Ce mardi 10 mars la Commission de Concertation de la Ville de Bruxelles devait examiner la demande de permis d’urbanisme introduit par la société Regent Invest (Jaspers) pour construire un immeuble de 35.000 m² destiné à devenir « le nouveau » Palais de Justice. Cet immeuble se situerait sur l’ilot en face du Palais de Justice (qu’on qualifie déjà d’ancien), rue de la Régence, rue Ernest Allard et rue de l’Arbre. Il suppose la démolition des immeubles existants qui abritent aujourd’hui notamment le Tribunal de Police et la Maison de Justice.
Ce qui apparaît d’emblée à la présentation par des architectes Jaspers et fils, promoteurs du projet, est qu’ils ont eu des contacts étroits avec les responsables fédéraux, sans que ceux-ci ne soient cités ou ne soient présents à la concertation. En effet ni le SPF Justice et ni la Régie des bâtiments de l’Etat n’étaient là.
Et bien sûr cela crée un malaise, d’abord parce que l’impression est grande que malgré tout plane l’ombre de la décision du Ministre Declercq de vider le Palais de Justice. Les promoteurs se ont défendus en indiquant qu’il s’agit d’une solution provisoire (2 fois 20 ans de bail, les premiers à 7,1 millions d’euros de loyer par an, les 20 suivants à 5,7 millions annuels) 40 ans d’occupation « provisoire » pour un coût de 256 millions, c’est-à-dire environ ce que coûterait la rénovation du Palais de Justice.
En citant une note du 20 février 2014 du SPF Justice qui continue à examiner les possibilités de reloger la chaine pénale du Palais de Justice le journal l’Echo décortique l’opération immobilière, la société Regent Invest Jaspers, propriétaire, investirait 172 millions d’euros pour réaliser ce bâtiment et le louer ensuite à l’Etat.
A la réunion de la Commission de Concertation se sont exprimés le Barreau de Bruxelles, représenté par le bâtonnier Buyle, l’Arau et Quartier des Arts ce qui a permis de mettre en évidence que le nouveau projet présentait beaucoup de zones d’ombre : faiblesse du rapport d’incidence, pas d’étude de mobilité, gabarits importants qui dérogent à ce qui existe dans le quartier, la rupture du tracé Royal, rue de la Régence, qui constitue un axe historique et touristique important situé en zone de protection du patrimoine, avis négatif de la Commission Royale des Monuments et des Sites. J’ai exprimé, comme les autres participants, la demande que la Ville de Bruxelles refuse ce permis et s’empare du dossier pour réussir à sortir de l’opacité et du flou qui entoure le devenir du Palais de Justice.
En février 2012, Ecolo a initié, un débat au parlement bruxellois, qui a aboutit au vote à l’unanimité d’une résolution « pour rétablir la fonction judiciaire du Palais » et solliciter le Gouvernement fédéral pour la mise sur pied d’une concertation en vue « de l’élaboration d’un master plan pour terminer les travaux de rénovation ». Mon impression est que la Commission de Concertation ne pourra donner un avis favorable à cette demande de permis qui pose de nombreuses questions.
Ce bâtiment mérite que les autorités de la Ville et de la Région s’en saisissent pour enfin faire peser la volonté des bruxellois de restaurer la Palais de Justice et d’y voir rapatrier les fonctions de Justice. Je plaide pour que la Région, voire la Ville (elle le fait bien pour d’autres projets qui lui tiennent à cœur comme Neo ou le Stade) désignent un « Monsieur ou une Madame « Palais de Justice » qui animerait une task force capable de réunir tous les acteurs pour arrêter ce véritable scandale d’abandon du Palais. Si le projet de nouveau Palais de Justice voyait le jour, le bâtiment de Poelart deviendrait le plus grand chancre urbain de la Ville.
A terme pourtant, il est tout à fait possible de combiner les fonctions de Justice avec la valorisation, culturelle et touristique de ce bâtiment exceptionnel. A l’instar de ce qui se fait au Bundestag à Berlin, on pourrait visiter la salle des pas perdus et la coupole qui offre une vue imprenable de Bruxelles.
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